Dépêche 142/01
OMC, enjeux d'un nouveau cycle de négociations
Déclaration CFDT, CGT, CFTC, CGC, UNSA
Les événements tragiques qui viennent d’avoir lieu aux Etats Unis et les risques d’engrenage qui en découlent, placent l’ouverture de la prochaine conférence ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à Doha au Qatar sous un éclairage totalement nouveau. Elle doit s’inscrire dans une vision saine et équitable des échanges.
Le fait que le terrorisme et les autres activités criminelles utilisent l’opacité du système et les failles de la réglementation internationale pour prospérer, est révélateur de la fragilité de l’organisation mondiale actuelle. Ce constat appelle une prise de conscience, par la communauté internationale, de l’urgence et de la nécessité de réguler les échanges commerciaux et la circulation des capitaux.
Près d'un tiers des échanges commerciaux a désormais un caractère international. Malgré le blocage des négociations multilatérales depuis Seattle, cette proportion ne cesse de croître avec l'adhésion de nouveaux pays à l'OMC et l'extension des négociations à de nouveaux secteurs et domaines : agriculture, services, technologies de l'information et de la communication, produits pharmaceutiques, investissements étrangers directs, etc.
A l'heure où se creusent les inégalités de développement entre pays et dans les pays, une approche qui se réduirait au libre-échange et à des négociations bilatérales déséquilibrées n'est pas acceptable pour le mouvement syndical. Pour servir la croissance et le développement de l’emploi, le commerce international doit être régulé et garantir une répartition équitable des richesses qu’il contribue à produire.
Réussir la reprise de la négociation multilatérale suppose de prendre en compte les garanties fondamentales d'exercice des droits humains au travail, le droit à un environnement sain, à un développement durable et à des produits sûrs.
En accord avec le mouvement syndical international, en réaffirmant ces priorités, nous refusons que la dimension sociale soit la première victime des marchandages en cours sur le contenu de l’agenda large qui serait ouvert à Doha. L’exploitation des enfants au mépris de leur santé physique et morale, le travail forcé et l’esclavage, le non respect des libertés et des droits syndicaux ne peuvent représenter des avantages comparatifs légitimes dans la compétition internationale. Le respect des normes fondamentales du travail, qui ne sont rien d’autres que les droits humains les plus fondamentaux, doit s’imposer à l’ensemble des pays et des entreprises transnationales.
Avec le mouvement syndical international, nous insistons pour que l’ensemble des organisations internationales, y compris l'OMC, intègrent le respect des normes essentielles du travail dans leurs pratiques. Nous rappelons que le mandat donné par le Conseil de l’Union européenne à la Commission pour une nouvelle série de négociations commerciales comprend la création d'un Forum de travail conjoint OIT / OMC sur les questions du commerce, de la mondialisation et du travail. Or cet engagement n'a pas été mentionné dans la communication de la Commission sur les normes essentielles du travail, publiée en juillet 2001. Nous demandons à ce que cet engagement soit réalisé dans les semaines à venir.
Les négociations commerciales doivent contribuer à garantir :
dans toutes les parties du monde, la croissance durable et la création d'emplois ainsi que l’adoption de mesures efficaces pour assurer aux pays pauvres un meilleur accès au marché et pour stimuler leur développement social et humain
la lutte contre les injustices du système actuel du commerce international, qui, par exemple en matière d'accès aux médicaments (accords sur la propriété intellectuelle - TRIPS) obère le développement économique et social des pays en développement ;
des règles internationales davantage développées et mieux mises en œuvre, en appuyant les règles nationales qui peuvent souvent aujourd'hui être contournées, de sorte que les entreprises multinationales assument pleinement leurs responsabilités vis-à-vis de leur personnel, des territoires sur lesquels elles sont présentes et de la société en général ;
la protection de l'environnement pour qu’elle ne puisse pas être mise en danger par des accords multilatéraux sur l'environnement ;
le principe de précaution en matière de sécurité des produits et des consommateurs ;
la reconnaissance du caractère multifonctionnel de l’agriculture
la libre détermination des Etats en matière de politique économique afin qu’ils ne subissent pas de pression les amenant, contre leur volonté, à privatiser ou à déréglementer des services publics et d'intérêt général ;
une participation égalitaire des pays en voie de développement aux réunions et conférences de l’OMC et la création de procédures consultatives formelles pour les syndicats et d’autres acteurs non gouvernementaux importants et représentatifs.
Plus généralement, la transparence et la démocratisation doivent devenir la règle en ce qui concerne les négociations, les études menées par l'OMC, le travail des comités et commissions mis en place, et le règlement des différends, non seulement à l'intention du public (publications, information à la presse, site internet,.…), mais aussi en associant les organisations syndicales internationales afin qu'elles puissent y promouvoir la dimension humaine qui fait actuellement défaut.
Les organisations syndicales demandent au gouvernement français de continuer de les associer à tout le processus de négociation. Ce processus doit se dérouler dans la transparence et la concertation à chacune de ses étapes.
Enfin, les organisations syndicales françaises prendront les dispositions nécessaires pour populariser cette déclaration auprès des salariés et faire de la journée du 9 novembre 2001 un temps de débat, de mobilisation et de solidarité avec l’ensemble du mouvement syndical international.
Paris, lundi 29 octobre 2001