Le Monde dans son édition de samedi – dimanche fait le récit des débats à l’Assemblée Nationale le vendredi 18 octobre 2002 en titrant : « Alain Lambert souhaite supprimer la redevance audiovisuelle ». Ce serait un rebondissement de plus, le ministre du budget n’ayant rien dit de tel lors du récent Comité Technique Paritaire Ministériel.
A y regarder de plus près l’interprétation du Monde est peut être un peu rapide. Le ministre a seulement déclaré qu’il veut trouver « un autre financement » pour l’audiovisuel. Le propos imprécis du ministre doit sans doute être rattaché au fait que la loi organique sur les lois de finances a effectivement supprimé le fondement juridique de la LOLF et qu’il faudra en trouver un autre.
Le ministre veut-t-il vraiment le maintien de la redevance comme le lui reprochent des députés UMP et PS ? Il gagnerait en tout cas à être plus clair dans ses interventions.
Nous publions ci-après l’extrait du débat à l’Assemblée sur ce sujet (www.assemblee-nationale.fr).
L'article 24, mis aux voix, est adopté.
APRÈS L'ART. 24
M. Michel Bouvard - Il faudra bien se décider à traiter un jour le problème de la redevance TV, impôt particulièrement archaïque, anachronique.
Notre collègue Patrice Martin-Lalande propose, par l'amendement 25, de remplacer la redevance par d'autres sources de financement pour l'audiovisuel public.
L'amendement 319 a un objet voisin.
M. le Rapporteur général - Favorable !
M. le Ministre délégué - Le débat sur la redevance audiovisuelle est déjà ancien. Il aura un terme : la mise en oeuvre de la loi organique. Le temps nous est donc compté, et nous travaillerons dès 2003 à trouver une solution. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
M. le Rapporteur général - Je laisse M. Bouvard défendre l'amendement 45 adopté par la commission.
M. Michel Bouvard - Bien volontiers, compte tenu de votre engagement.
L'amendement 45 et l'amendement 285 corrigé proposent de rétablir l'équité entre l'enseignement public et l'enseignement sous contrat. Mais la solution de ce problème, ai-je cru comprendre, ne passe pas nécessairement par la voie législative.
M. le Rapporteur général - Avis favorable au retrait !
M. le Ministre délégué - Je suis d'accord avec le principe de votre amendement. Mais la voie législative ne me semble pas indispensable, dès lors que pour les établissements publics, elle n'a pas été choisie. Je vous propose donc de retirer votre amendement, étant entendu que j'utiliserai la voie réglementaire pour aller dans le sens que vous souhaitez.
L'amendement 45 et l'amendement 285 corrigé sont retirés.
M. Didier Migaud - Nous ne sommes pas parvenus à supprimer la redevance, mais nous nous étions engagés dans la voie des exonérations - pour revenir sur des mesures prises par le gouvernement Balladur, qui avait rétabli le paiement de la redevance pour les personnes âgées non imposables. Nous avons, nous, exonéré toutes les personnes âgées non imposables au-delà de 65 ans. Par l'amendement 203, nous proposons d'exonérer à partir de 60 ans.
M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Je rends hommage au travail de mon prédécesseur, et nous aimerions adopter cette mesure, mais elle coûterait 70 millions d'euros.
M. le Ministre délégué - Il est des étapes, dans la vie d'un impôt comme dans la vie en général ! Je souhaite le retrait.
M. Didier Migaud - Je le maintiens ! L'opinion publique constatera l'écart entre votre discours et vos actes. La suppression de la redevance, que je sache, faisait partie de certain programme...
La majorité parlementaire compte toujours au centime d'euro près lorsqu'il s'agit des uns - la grande majorité de nos concitoyens -, mais elle est d'une générosité extraordinaire quand elle s'adresse à quelques dizaines de milliers de privilégiés !
M. Augustin Bonrepaux - Très bien !
L'amendement 203, mis aux voix, n'est pas adopté.
M. Jean-Pierre Brard - La redevance connaît un taux de fraude estimé à 40 %, ce qui lui fait perdre d'emblée beaucoup de sa légitimité, et ce d'autant plus qu'Internet offre désormais un autre moyen, lui non taxé, mais pas forcément accessible aux ménages les plus modestes, de recevoir les émissions de télévision.
Nous considérons, quant à nous, que la télévision n'est pas un luxe mais un élément de la vie quotidienne. Elle constitue en effet une source d'information en même temps qu'un loisir et un apport culturel - même si la densité de cet apport varie selon les chaînes. Nous pensons donc qu'il faut permettre aux citoyens à faibles ressources d'accéder gratuitement à ce service public, étant entendu qu'ils ont déjà fait l'effort financier d'acheter un téléviseur. Nous proposons donc dans l'amendement 23, 2e correction, d'exonérer de la redevance les allocataires de divers minima sociaux ainsi que plusieurs catégories de mutilés et d'invalides, bref des gens pour lesquels le Gouvernement ne s'est pas montré très généreux jusqu'ici.
J'ai cru comprendre que le Gouvernement envisageait de supprimer un jour la redevance, mais pourrait-il nous donner une date plus précise ? Ce serait enfin un geste vis-à-vis de l'opposition, à laquelle il n'a rien été concédé depuis le début de la discussion, contrairement à la pratique de ces cinq dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il est vrai que vous n'avez rien obtenu non plus, Monsieur Laffineur !
M. Didier Migaud - Notre amendement 204 tend à exonérer de la redevance les personnes bénéficiant du RMI. Je ne pense pas que vous puissiez nous opposer l'argument budgétaire, Monsieur le ministre, car beaucoup de ces personnes sont en définitive exonérées, mais après avoir dû faire des démarches en ce sens. Votre mot d'ordre étant la simplification, simplifions leur donc les choses.
M. le Rapporteur général - Avis défavorable sur ces deux amendements dont le coût est particulièrement important, de l'ordre de 100 millions d'euros (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).
M. le Ministre délégué - Je reste sur ma ligne d'origine : c'est une taxe qui est appelée à être remplacée, il ne servirait à rien de la modifier, sauf à accroître encore le coût de son recouvrement.
M. Didier Migaud - Le Gouvernement nous inquiète. Nous avions en effet cru comprendre qu'il était question de suppression et voici que le ministre nous parle de remplacement. Il y a plus qu'une nuance et je constate une fois de plus le décalage entre les engagements pris et la pratique. Je constate aussi que le Gouvernement se montre particulièrement ferme pour s'opposer à des mesures qui bénéficieraient à des gens dans le besoin, alors qu'il se montre très prodigue pour quelques dizaines de milliers de familles, je pense en particulier aux 70 000 familles - M. le rapporteur général a, dans un élan de sincérité, confirmé le chiffre que j'avais avancé - qui profiteront de la réduction fiscale supplémentaire accordée pour les emplois à domicile. Pour elles, l'avantage sera substantiel. Mais ici, il mégote ! Il y a vraiment deux poids deux mesures. Les plus aisés reçoivent toujours plus pour épargner davantage...
M. Philippe Auberger - On s'égare !
M. Didier Migaud - Pas du tout, on est au coeur du débat et bien éclairé sur la conception que se fait le Gouvernement de la justice fiscale et sociale !
M. le Ministre délégué - Je ne vais pas répondre à cette envolée lyrique mais simplement dire à Monsieur Migaud que si j'ai parlé de remplacement, c'est en pensant au financement de l'audiovisuel public, car il faut se montrer responsable : si l'on supprime la redevance, il faudra bien trouver une autre ressource pour l'audiovisuel public.
M. Jean-Pierre Brard - Laquelle ?
M. Michel Bouvard - La majorité précédente a eu tout le temps nécessaire pour faire disparaître la redevance télévisuelle. Elle a préféré la vignette, ce qui était discutable. Qu'elle ne nous reproche pas aujourd'hui, en tout cas, de ne pas la supprimer, dès notre arrivée et dans des circonstances économiques autrement plus difficiles.
Par ailleurs je me demande s'il serait facile d'exonérer d'une taxe payée à l'année les titulaires du RMI, catégorie mouvante - car Dieu merci les gens en sortent...
M. Didier Migaud - Dieu n'a rien à voir là-dedans.
M. Michel Bouvard - Et je ne suis pas sûr, Monsieur Brard, que votre gage ne soit pas frappé de péremption. Enfin je ne comprends pas que l'on s'étonne de ce que le ministre parle d'une solution de remplacement. Surtout quand ceux qui s'étonnent sont ceux là mêmes qui manifestent en faveur de l'audiovisuel public et veulent que celui-ci ne dépende pas de la publicité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
L'amendement 23, 2e correction, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 204 n'est pas adopté.
M. Didier Migaud - Notre amendement 205 a pour objet d'exonérer de la redevance les ménages bénéficiaires de la prime pour l'emploi. Le Gouvernement nous explique souvent qu'il faut accentuer la différence entre ceux qui relèvent des prestations d'aide et ceux qui retrouvent un emploi. Notre amendement va dans ce sens puisqu'il donne un avantage supplémentaire à la reprise d'une activité.
M. le Rapporteur général - La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui supprimerait une moitié du produit de la redevance, et aurait donc pour effet de renchérir d'autant la part payée par les autres.
M. le Ministre délégué - Avis défavorable.
M. Augustin Bonrepaux - Selon le rapporteur général et le ministre, le projet de budget comporterait des mesures favorables à tous les ménages. Qu'en est-il réellement ? Cinq millions de familles bénéficieront de 20 € supplémentaires cependant que le gain sera, pour 70 000 ménages, de 5 640 € pour un célibataire et de 9 150 € pour un couple dont les revenus s'établissent à 305 000 € ! Ces chiffres disent tout de l'équité des mesures proposées ! L'amendement est donc particulièrement justifié, car l'exonération proposée équivaudrait à augmenter un peu la PPE qui devait être doublée et qui ne le sera pas.
L'amendement 205, mis aux voix, n'est pas adopté.