Le rapport 2001 de la médecine de prévention était le point principal du CHSM du 6 novembre 2002. Après la présentation par les médecins coordonnateurs nationaux des points essentiels de ce document, la CFDT a fait l'intervention suivante :
" Nous ne saurions commencer notre intervention sans, au préalable, déplorer le nombre de postes de médecins qui restent toujours à pourvoir dans au moins sept départements (18, 19, 48, 49, 50, 61 et 68) et sans déplorer un nombre de vacations insuffisant, notamment en région parisienne. Des recrutements s'imposent si nous voulons œuvrer pour une médecine du travail efficace.
Nous pointerons certaines questions posées par le rapport annuel.
L'analyse de l'absentéisme dénote une fois de plus une plus ou moins grande implication des services dans le suivi des convocations aux visites médicales. Nous ne pouvons ici que dénoncer les chefs de service qui refusent d'accorder les autorisations d'absence pour se rendre aux visites médicales : la région Bourgogne Franche Comté en est un exemple. A l'opposé, lors de la mise en œuvre des surveillances médicales spéciales, l'absentéisme pointé à la DGI et à la DGCP, en terme de refus de s'y soumettre, interroge lorsque le service dans son ensemble se montre réticent. Des actions d'information et de sensibilisation doivent être ciblées en direction de ces agents soumis à des risques professionnels.
Les fiches de liaison restent encore inutilisées. Les recommandations des médecins, suite aux entretiens ou aux visites de postes effectuées, pourraient utilement alerter sur des situations de handicap rencontrées. Elles peuvent trouver des solutions, notamment grâce à l'analyse du travail et aux aménagements de poste. Le suivi médical, sans pour autant stigmatiser la personne, permet d'assurer une meilleure insertion. Nous éviterions notamment d'aboutir à des situations de non titularisation ou d'exclusion telles que nous les connaissons. Les recommandations d'aménagements de postes devront donner lieu à l'avenir à des réponses écrites des directions. Il nous semble par ailleurs inquiétant que les rapports des médecins soulignent trop souvent une méconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ces fiches de suivi médical doivent rester la seule propriété des médecins et des secrétariats dédiés, qui doivent être généralisés, afin de ne pas inciter les directions à les conserver à des fins de notation ou de mutation d'office.
Un tiers des pathologies sont d'origine psychique, essentiellement liées aux états dépressifs, et en augmentation. La région parisienne semble plus touchée par ce phénomène : l'isolement, les difficultés pour se loger, l'éloignement familial, la nécessité pour les plus jeunes agents de s'adapter rapidement à un environnement de travail peuvent expliquer que les maladies dépressives soient bien la majorité des pathologies observées.
Ce qui nous renvoie aussi aux actions en matière de social et de logement, spécifiques à la région parisienne.
Toutefois, nous insisterons à nouveau sur les processus de désinsertion décrits dans les différents rapports des médecins. Ils doivent interroger, en priorité, l'organisation du travail. Ils nécessitent un autre regard que celui porté sur les pathologies individuelles. L'organisation du travail peut conduire à des situations de stress, de souffrance, de détérioration de la santé physique et psychique lorsque par exemple elle met à mal les collectifs de travail, lorsqu'elle conduit à l'isolement et n'autorise plus les coopérations qui se mettaient en place habituellement.
Nous sommes actuellement confrontés, dans notre Ministère, à deux évolutions :
- la mise en place de nouvelles organisations du travail en lien avec la politique de modernisation et l'informatisation
du travail,
- les perspectives de réductions d'emplois drastiques dans un contexte de RTT sans créations d'emplois.
Ces réductions d'effectifs ne s'accompagnent pas en parallèle d'une réduction des tâches, qui, elles, en revanche, se complexifient. En conséquence, on assiste comme dans d'autres milieux professionnels, à une intensification du travail, notamment par une réduction des temps opératoires. Sur ce point, les dernières études de la DARES sur les conditions de travail ou les données de l'enquête ESTEV doivent nous alerter sur leurs effets négatifs sur la santé. La santé au travail doit bien être comprise dans un sens large, englobant aussi la santé mentale. Le dispositif législatif de 2002 sur la Modernisation de l'Etat consacre d'ailleurs cette approche. Il s'agit donc bien dans un cadre pluridisciplinaire d'initier des actions de prévention : l'absentéisme répété ou les stratégies de mobilité peuvent servir d'indicateurs. Des entretiens pourraient donc être proposés par le médecin et lui seul, dans le respect des personnes. Ce sont, bien sûr, des sujets difficiles à traiter et qui ne doivent pas être appréhendés sous le seul angle de l'aptitude ou de l'inaptitude.
La question de la santé mentale au travail relève de la compétence des CHS mais aussi nous semble t-il des CTP puisqu'elle est directement liée aux conséquences de l'organisation du travail. Ne pas laisser la seule hiérarchie décider du devenir de travailleurs que l'organisation du travail désinsère intéresse l'ensemble des acteurs. Sur ce point, l'analyse du médecin de Bourgogne reflète bien les discussions actuelles dans les disciplines qui touchent à la sphère du travail : il s'agit de redonner du sens au travail et de permettre aux agents de parler de leur réalité du travail, collectivement, en dégageant ce qui dans l'organisation du travail ne permet pas d'accéder à une reconnaissance.
Un système de suivi des actions administratives, suite aux recommandations du médecin, n'existe pas à ce jour. Il permettrait pourtant de rendre compte des suites données.
Encore trop de projets d'aménagement ou de construction se font sans la saisine, en amont, des médecins de prévention. Les agents découvrent donc les problèmes lors de leur installation et les CHS doivent corriger ce qui aurait pu être signalé initialement. L'exemple de la DGE est sur ce point parlant. L'aspect préventif de la mission du médecin est encore trop souvent vidé de son sens.
Certes, une évolution semble se dessiner mais nous regrettons que la saisine ne soit pas systématique.
Nos remarques sont identiques. Dans leurs commentaires, les médecins soulignent que si les demandes sont en général acceptées, l'administration ne rend pas compte des travaux effectués ni des suites données.
Un rapport, systématique là encore, sur les aménagements effectués ou sur les nouvelles conditions d'exercice proposées à l'agent doit être remis au médecin, lequel est à l'occasion seulement prévenu par l'agent lui même.
Enfin, la proposition d'un médecin coordonnateur d'impliquer l'équipe de travail dans son ensemble, dans la réussite de la réinsertion d'un agent, va dans le bon sens : à l'administration de savoir revoir les objectifs à la baisse afin de mettre le maximum de chances du côté de l'agent.
Nous ne cessons de le marteler : la désinsertion est un processus qui se construit et qui n'a rien de mécanique.
Nous terminerons notre intervention en interrogeant les médecins sur la façon dont ils assurent actuellement leur rôle d'observateur et de conseiller dans l'accompagnement de l'ARTT.
En réponse, les médecins coordonnateurs nationaux et le sous-directeur de l'action sociale ont apporté des éléments nouveaux. Des départements vont être de nouveau et enfin couverts par un médecin de prévention grâce à des conventions (puisque les recrutements s'avèrent impossibles, faute de candidats) :
- le Cher, la Corrèze et le Haut-Rhin grâce à des conventions avec la mutualité sociale agricole (MSA),
- la Lozère qui est prise en charge par le médecin de prévention du Gard,
- le Maine et Loire où une convention est en instance de signature,
- l'Orne où un projet de conventionnement est en voie d'aboutir.
Par ailleurs, la mise en œuvre de la RTT pour les médecins de prévention est l'occasion de redimensionner (à la hausse ?) les quotas d'heures qui leur sont attribués.
Par contre, nous n'avons pas eu de réponse à notre question sur le rôle des médecins de prévention dans l'application de l'ARTT, comme nous n'en avions pas eu lors du CHSM précédent lorsque nous avions posé cette question au représentant des inspecteurs hygiène et sécurité. Donnons acte à ces acteurs de l'hygiène et de la sécurité que l'ARTT n'étant généralisée que depuis le 1er janvier 2002 il est peut-être un peu tôt pour faire un bilan de leurs interventions. Nous craignons toutefois que leur rôle en la matière soit bien limité et très encadré par les administrations qui ne voient jamais d'un bon œil des " éléments " extérieurs au service, quelles que soient leurs compétences reconnues, mettre leur nez dans l'organisation du travail.
Les mentalités ont grand besoin d'évoluer.