Monsieur le Président,
Les fédérations des Finances CFDT, FDSU, CGT et FSAFI vous ont adressé un courrier reprenant leurs critiques vis-à-vis de la politique que vous souhaitez pour le Minéfi. Cette adresse que vous avez sans doute examinée avec attention, Monsieur le Ministre d'Etat, ne refuse pas toute idée de réforme. Simplement, à l'instar de ce que soutient la Fédération des Finances CFDT, elle prétend qu'une réforme du ministère (comme de l'Etat) pour être équilibrée et juste ne doit pas avoir pour fondement principal les économies budgétaires nécessaires à la réalisation des exigences définies par les traités européens. Mais il ne s'agit pas seulement des critères définis par Maastricht ! Les efforts demandés au détriment du Service Public et des conditions de travail des agents visent également à dégager les moyens financiers pour mener "une politique de cadeaux à certaines catégories " telle que l'a dénoncé François CHEREQUE. En effet, la politique fiscale menée par le gouvernement profite inégalitairement aux couches les plus aisées de la population.
Ce courrier donc vous demande de changer d'orientations sur un certain nombre de points. Nous en rajouterons d'autres.
L'emploi demeure au centre de vos mesures et de nos désaccords.
La question de l'emploi public ne constitue pas une question taboue pour la CFDT Finances. Elle doit faire l'objet d'une réflexion en parallèle avec les missions et les charges. Or, faire l'adéquation entre ces trois éléments a toujours été refusé par les gouvernements successifs quelles que soient leurs couleurs politiques. Seuls l'aspect budgétaire et une certaine doctrine politique guidaient les choix de votre prédécesseur lorsqu'il a annoncé un plan pluriannuel de suppressions d'emplois pour le Minéfi. Vous prorogez ce plan jusqu'en 2007. Votre annonce de 5000 suppressions d'emplois sur la période crée une interrogation légitime chez les agents et leurs représentants : comment remplir les missions qui leur sont confiées avec la baisse des effectifs renouvelée presque chaque année ?
Vous justifiez votre décision par le coût important de la collecte de l'impôt en France. Le Président de la République a même déclaré que "la perception des impôts est quatre fois plus chère que dans les autres pays européens ". Or, selon les chiffres de la DGI, si en 1997, l'administration fiscale française se situait parmi les plus coûteuses, elle se rapproche à présent de la moyenne des pays comparables et a atteint en ce domaine les objectifs fixés par le contrat de performance. Il est donc possible d'en déduire que la suppression de 5000 postes annoncés dans le domaine seulement de la collecte de l'impôt ne saurait donc trouver son origine par son coût mais bien plutôt par des choix budgétaires et de politique. Ceci appelle deux autres questions de la part de la CFDT.
Au-delà des 5000 suppressions de postes jusqu'en 2007 qui concernent la collecte de l'impôt, c'est à dire la DGI et une partie de la DGCP, quelle sera la contribution totale du ministère et tous les secteurs seront-ils touchés ?
Est-ce que la notion de contrat de performance va perdurer pour les directions concernées ? Où pensez-vous que trop contraignants, les contrats de performance présentent à vos yeux plus d'inconvénients que d'avantages.
La CFDT a demandé à vous rencontrer sur le problème spécifique de la Redevance. Ce service rattaché à la CP vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête depuis de nombreuses années. Récemment, les nuages se sont multipliés sur l'avenir du service accompagné de l'annonce de la suppression de 1000 emplois sur les 1400 existants. La CFDT rejette cette logique qui ne vise qu'à supprimer toujours plus d'emplois publics avant toute mesure de l'utilité économique et sociale de la mission accomplie. Elle rappelle son attachement à un service public de l'audiovisuel indépendant et à son financement public. La Fédération des Finances CFDT soutient l'action des personnels de la Redevance. Ils étaient hier massivement en grève, à près de 80%.
Afin de garantir un bon service au public et des conditions de travail simplement correctes aux agents, la CFDT Finances réclame pour le ministère la mise en place d'un plan pluriannuel de recrutement dans le cadre des nombreux départs imminents à la retraite.
Par ailleurs, la CFDT est favorable à la reconnaissance des efforts des agents en particulier, à l'occasion des dernières années par la mise en œuvre d'un plan de requalification de l'ensemble des emplois.
Par contre, elle souhaite que les voies du concours et de l'examen professionnel soient privilégiées de préférence à ce que vous mettez en place concernant ce que vous appelez la reconnaissance du mérite. La notation est le relais privilégié de la reconnaissance du mérite selon l'Administration. La dernière réforme en constitue un dernier avatar.
L'administration a elle-même reconnu en son temps, l'aspect infantilisant et injuste de la notation. La dernière réforme ne constitue aucune garantie de changement. Elle gardera le côté subjectif qui nous fait préférer une carrière linéaire
Néanmoins, si vous maintenez cette orientation, nous demandons que l'entretien d'évaluation soit contradictoire, que les agents puissent se faire accompagner par un tiers lors de l'entretien d'évaluation. Nous demandons aussi clairement l'absence de contingentement des majorations . La CFDT vous a entendu vouloir faire preuve d'ouverture et de souplesse sur la question des passerelles entre les directions.
Par ailleurs, comment ne pas vous signaler qu'en attendant l'annonce du plan de qualification, des candidats reçus en liste complémentaire sont dans l'expectative quant au sort qui leur sera réservé.
En ce qui concerne les missions, la CFDT Finances s'oppose à toute externalisation de celles-ci sans se poser en préalable la question de l'utilité économique et sociale de ladite mission. La Redevance en est l'illustration !
Les restructurations doivent selon la CFDT faire l'objet d'une double réflexion sur le Service Public et sur les conditions de travail des agents.
" Bercy en mouvement " vise à un meilleur service au public pour tous les contribuables. Ceci induit une égalité entre les citoyens quels que soit leur condition, leur âge ou le lieu de leur domicile. Pour jouer son rôle de lien social entre l'Etat et les citoyens, le Service Public en général et l'administration fiscale plus particulièrement se doit d'être présent dans les banlieues et les campagnes. S'il existe bien une conjonction entre nos points de vue sur ce sujet, la CFDT Finances s'interroge sur le démantèlement du réseau des petites trésoreries et sur la suppression des secteurs de la CCRF. Ou alors, il ne sert à rien de proclamer votre volonté de placer l'usager au cœur de l'organisation et du fonctionnement du ministère…
Concernant les agents des secteurs de la CCRF, ils vous ont interpellé pour que vous les receviez. La Fédération qui a sollicité (sans réponse de votre part) la tenue d'un groupe de travail sur la question soutient leur requête et vous demande de surseoir à toute fermeture.
Quant au réseau des petites trésoreries, il constitue le dernier réseau de proximité des services de l'Etat. Pour préserver cette présence de l'Etat sur tout le territoire, la CFDT vous propose la création de maisons de service public économique et financier.
Il est incontestable que les populations se détournent des grands centres urbains d'habitation. En conséquence, il parait inconcevable que dans le même temps, l'Etat agisse à contre courant. Ainsi, pour répondre à cette évolution sociologique, les maisons de service public économique et financier seraient adossées aux implantations actuelles de la Comptabilité Publique. Elles auraient un rôle d'accueil de proximité pour les citoyens qu'ils soient particuliers ou chefs d'entreprise, artisans ou commerçants en zone rurale ou périurbaine. Il s'agit clairement d'un élargissement des missions actuelles des postes comptables. La CFDT demande que les maisons de service public soient dotées de compétences étendues. Elles doivent être plus qu'un lieu d'accueil et d'orientation. Les problèmes des usagers doivent pouvoir y être directement traités.
Même si les technologies d'information et de communication doivent concourir à un meilleur service de l'usager, le contact direct, humain et personnalisé demeure incontournable particulièrement dans les relations avec les citoyens les plus en difficulté.
Pour un bon fonctionnement, il est nécessaire que les agents concernés bénéficient d'une formation élargie de qualité et des moyens matériels nécessaires.
Nous vous faisons même une proposition encore plus précise : celle d'expérimenter dans chaque département la faisabilité d'un tel projet de manière bien plus étendue qu'au moment de la mission du député Launay.
Cette demande concernant les maisons de service public économique et financier ne saurait être déconnectée de celle d'un schéma informatique réellement ministériel.
Concernant la LOLF, vos prédécesseurs avaient promis que les organisations syndicales y seraient associées. En réalité, les réunions au niveau national n'ont consisté qu'à nous informer a posteriori d'arbitrages ministériels sans nous associer aux procédures, aux stratégies. Au niveau local, les organisations syndicales sont, la plupart du temps, tenues à l'écart des expérimentations. Or, il est clair que la LOLF n'aura pas que des conséquences budgétaires mais également sur la gestion des ressources humaines. La CFDT Finances vous demande instamment un bilan des expérimentations. Par ailleurs, nous nous interrogeons sur l'articulation entre LOLF et contrat de performance.
De plus, notre organisation, propositionnelle par nature, vous sollicite pour la création d'indicateurs sociaux dans le cadre de la mise en place de la LOLF. L'objectif est d'avoir une vision la plus juste possible des conditions de travail des agents. En effet, toute politique doit, à notre sens, tenir compte de l'impact qu'elle aura sur les personnels. Pour chacun des programmes de la LOLF, le ministère et les directions doivent rendre compte au personnel de l'impact des politiques menées et des conséquences sur les conditions de travail.
Il ne s'agirait pas selon nous de tenir des réunions sur les conditions de travail mais bien plutôt d'enquêtes menées par des entreprises externes au Minéfi et ceci de manière annuelle par programme et direction concernée. La CFDT avait cru comprendre que M. LAMBERT n'y était pas opposé et vous-même Monsieur le Ministre d'Etat, plutôt favorable. Nous souhaitons une concrétisation de ces expressions.
Sur le sujet des droits et garanties des personnels, la Fédération des Finances CFDT vous demande de revenir sur la décision de restreindre le droit de grève des douaniers de la Surveillance.
Concernant la vente du patrimoine de l'Etat, il n'y aura pas création a priori d'une Agence des propriétés immobilières. Néanmoins, de nombreuses possessions de l'Etat risquent d'être vendues. C'est le cas pour les locaux de la Direction des Douanes, rue du Bac et à la Tour des Dames. On rapatrie les services de la DGDDI à Bercy sous prétexte de les regrouper sur un seul lieu. La CFDT s'étonne que deux sous directions du Trésor soient envoyées à Montreuil selon une logique apparemment inverse.
Vous avez avoué vouloir faire de la lutte contre les contrefaçons une priorité durant votre passage à Bercy. Afin de concrétiser cet affichage, la Fédération des Finances CFDT demande que les moyens financiers et humains nécessaires soient mis dans la balance. Il paraîtrait incongru de vouloir supprimer des emplois dans des services (la Douane et la CCRF sont concernées) ayant une mission prioritaire.
Toujours concernant la CCRF et les Douanes, au sein de ces deux directions, la mission de reenginierie portant sur l'organisation des laboratoires n'est toujours pas rendue. La CFDT souhaiterait en être rapidement informée. De plus, elle souhaiterait connaître vos réelles intentions quant à l'avenir du laboratoire de Massy alors même que des travaux de sécurité y ont été récemment réalisés.
Les douaniers de la surveillance ont bénéficié d'une mesure collatérale à la réforme des retraites : la bonification retraite. Une de ces conditions d'obtention en est d'être encore douanier au moment du départ en retraite. Or, du fait des passerelles avec d'autres directions, un certain nombre de douaniers risque d'être privé du bénéfice de la mesure. Vous conviendrez avec nous, Monsieur le Ministre qu'il s'agirait là d'une injustice par rapport aux années de travail pénibles réellement effectuées.
De plus, les douaniers et en particulier ceux de la Surveillance sont les agents du ministère les plus victimes d'accidents de travail, nous vous demandons la tenue d'un groupe de travail sur ce sujet afin d'essayer d'améliorer cette situation.
Toujours concernant les Douanes, la CFDT vous rappelle sa revendication de 80 points d'IRTI.
Concernant les personnels "berkanis ", la CFDT s'est vu opposer une fin de non recevoir quant à sa demande que ces personnels peu qualifiés et mal rémunérés bénéficient des mêmes prestations des services sociaux que les autres catégories de personnel quel que soit leur temps de travail. Ceci est inconcevable !
A la Comptabilité Publique, nous voudrions en savoir plus sur l'avenir des services s'occupant de l'édition dans les départements informatiques du Trésor (l'EDITIQUE).
La Fédération a récemment fait parvenir à M. DEVEDJIAN, Ministre délégué à l'Industrie un courrier lui confiant, entre autres, notre inquiétude concernant les chercheurs des Ecoles des Mines. Trois cents personnes bénéficient d'une bourse dont l'Etat ne payait pas les charges sociales afférentes. A l'occasion du rapprochement avec l'école des Postes et Télécommunications, nous souhaiterions que l'on prenne une décision pour les couvrir, que ceci soit annoncé clairement et que l'on ne diminue pas en relation le nombre de boursiers.
La CFDT Finances veut mettre particulièrement l'accent sur les enquêteurs de l'INSEE en charge des enquêtes ERCV (Enquêtes sur les ressources et conditions de vie). Un conflit les oppose à leur direction du fait de la sous-estimation du temps de l'enquête et donc de la rémunération et d'un statut souvent précaire. Suite aux négociations de vendredi dernier 11 juin, il semble que le problème de rémunération soit réglé. Il demeure le problème du statut pour l'ensemble des enquêteurs. Celui-ci est précaire et a des conséquences sur leur rémunération, leur couverture sociale, le droit au chômage et à la retraite. On leur a même supprimé les congés payés (10 % leur rémunération) !
D'autres services sont menacés.
C'est ainsi que le service des Monnaies et Médailles se voit menacé dans son existence-même du fait de la mise en place de la LOLF. Celle-ci entraîne la suppression du budget annexe des Monnaies et Médailles. Le personnel s'inquiète à juste titre et la CFDT avec lui de l'absence de renouvellement du protocole du Comité d'Entreprise, la mise en péril du restaurant administratif par la décision du directeur de retirer le personnel qui y est affecté et le besoin de nouveaux marchés après celui de la frappe de l'Euro. La tenue d'un groupe de travail vous a été demandée.
Quant au SDNC de St Germain en Laye, il existe une menace sur la poursuite de l'activité cinétique. Les ouvriers d'état concernés demandent à en savoir plus sur leur sort alors que leur directeur les incite à passer des concours de catégorie C. Ce changement de statut entraînerait pour les personnels concernés une baisse de revenus non négligeable (pratiquement de la moitié).
Des questions se posent également avec acuité sur l'avenir de l'UGAP (700 personnes) et de l'Imprimerie Nationale (800 personnes). Là encore, la CFDT Finances vous a demandé la tenue de groupes de travail sur l'avenir de ces secteurs sans réponse de votre part à ce jour.
Ayant bien entendu votre volonté de dialogue social, la Fédération des Finances CFDT espère que ce vœu commun se concrétisera par des solutions justes et équitables aux problèmes qu'elle vient de vous énoncer.
Par ailleurs et même si ce sont des questions concernant la Fonction Publique, la CFDT demande le rattrapage de la baisse du pouvoir d'achat des agents du fait du blocage des salaires. Elle déplore l'absence de propositions sérieuses du gouvernement sur les carrières longues.
Enfin, pour information, la CFDT rappelle sa journée de mobilisation sur l'assurance maladie du 22 juin 2004.
Paris le 15 juin 2004