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Dépêche 114/04 
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La fédé
 

Raffarin : moins pour les smicards, 
plus pour les fraudeurs

Avant de partir en vacances, le premier ministre a dévoilé mercredi 28 juillet les grandes lignes de sa politique pour la rentrée. Dans sa conférence de presse, J-P Raffarin envisage de distribuer les deniers de l'Etat au profit des entreprises qui relocaliseraient des emplois dans des zones fortement touchées par le chômage et d'accorder une large amnistie fiscale aux capitaux illégalement sortis de France. Dans le même temps, il retarde d'un an l'augmentation du Smic et souhaite étendre le régime du temps de travail des petites entreprises aux grandes.

Du libéralisme économique pur jus non dénué de cynisme !

La confédération CFDT a immédiatement condamné ces orientations (lire le communiqué).

L'amnistie, un cadeau immoral sans grande utilité

L'amnistie fiscale permet de réinjecter dans l'économie des capitaux expatriés illégalement. Cette méthode n'est pas nouvelle, les gouvernements Mauroy et Chirac l'avaient utilisée en 1982 et 1986. Les intéressés (fraudeurs par définition !) peuvent, après paiement d'une taxe proportionnelle souvent faible, rapatrier leurs capitaux en étant assurés de ne pas subir les foudres du fisc. En 1982, la taxe était de 25 %, en 1986 de 10 %. Le gouvernement a évoqué une fourchette de 10 à 20 %.

Cela est particulièrement choquant eu égard à tous ceux qui respectent la loi. Où est le civisme fiscal défendu par la DGI ? A moins que celui-ci ne concerne que les salariés, riches de leur seule force de travail, auxquels on n'offre qu'un avenir, la délocalisation de leur emploi ?

Mais bon, imaginons que l'amnistie réussisse à rapatrier suffisamment de capitaux en France et que ceux-ci relancent les investissements et donc les emplois. Or, il semble que l'amnistie produise des effets très modestes.

C'est le constat qu'établissent Eric Pichet et Maurice-Christian Bergerès, dans le dernier numéro de la Revue du droit fiscal (22 juillet 2004) cité par le journal Libération du 29 juillet.

Les deux universitaires estiment à 200 milliards d'euros le montant des capitaux mis hors de France illégalement. Si la taxe d'amnistie est supérieure à 4 % " les recettes qui iront dans les caisses de l'Etat seront ridicules. En dessous, c'est un cadeau, au-dessus on est sûr qu'il sera inefficace " précisent-ils.

Selon eux, si le taux retenu est de 15 %, on peut espérer un retour d'à peine 2 milliards d'euros de capitaux, soit une ressource fiscale modeste.

Le gouvernement n'innove pas, les pays voisins ont déjà procédé à de telles amnisties avec des fortunes diverses. En matière fiscale, le chacun pour soi prévaut. C'est un mauvais coup pour l'harmonisation fiscale européenne (voir dépêche sur les délocalisations fiscales).

Relocaliser les emplois avec les capitaux fraudés ?

J-P Raffarin veut s'attaquer aux délocalisations d'emplois qui se multiplient ici et là en débloquant un milliard d'euros. Dont acte ! Mais la solution est toujours la même : des réductions d'impôts et de charges sociales. On sait aujourd'hui que certains investisseurs sont devenus des chasseurs de primes. S'ils créent des emplois dans les zones " aidées " fiscalement, ils ont tôt fait de les délocaliser quand la manne se tarit.

Le cynisme serait à son comble si les relocalisations étaient financées par la taxe sur le rapatriement des capitaux : "Je paie moins d'impôts en étant amnistié sur les capitaux que j'ai illégalement expatriés, et ensuite je bénéficie de réductions d'impôts en les relocalisant" ou comment gagner sur tous les tableaux. Un scénario à peine caricatural !

Si l'on ajoute la tentative non voilée de remettre en cause les 35 heures, l'augmentation du Smic reportée d'un an, l'augmentation prochaine de la CSG, la perte du pouvoir d'achat des fonctionnaires et la continuation des suppressions de postes dans les fonctions publiques, le climat social de la rentrée sera caniculaire.

 

  Paris, le 29 juillet 2004