Nous vous livrons la totalité d’un courrier du directeur général qui aborde crûment la rémunération au mérite, la mobilité des agents, les licenciements et les droits syndicaux :
« 4 février 2003
Objet : Entretien avec le ministre
Mesdames, Messieurs,
Je vous rappelle que je rencontre F. Mer, à sa demande, le lundi 24 février prochain, ce type d’entretien ayant une vocation bimestrielle et étant principalement axé sur le suivi de la réforme du ministère, par direction.
Pour aborder cet entretien dans les meilleures conditions possibles de préparation et de sérénité, je souhaiterais, autant que faire se peut, en déterminer l’ordre du jour et faire passer un dossier au ministre une semaine à l’avance environ (soit le 17 février au plus tard). Je vous demande donc d’intégrer cette demande dans vos plans respectifs de travail.
Aux fins de cet entretien, je souhaiterais disposer de fiches précises et courtes sur :
- l’état d’avancement de la réforme des CI, - l’état d’avancement de la réforme de la surveillance, - la préparation de la deuxième phase de re-engineering, par chantier.
Ces différentes demandes reposent, notamment, le problème de mes instruments de visibilité-pilotage («tableaux de bord ») des différents aspects de la modernisation douanière, évoqué avec la sous-direction A. L’état récurrent de ce suivi justifie du reste la recherche d’une certaine standardisation dans la présentation, de façon à permettre au ministre de s’y retrouver plus aisément d’une fois sur l’autre.
Je souhaiterais par ailleurs, comme déjà évoqué avec la sous-direction A, un petit dossier thématique un peu percutant sur l'identification des obstacles institutionnels à une gestion moderne et efficace de la fonction publique : faible usage des modulations indemnitaires pour récompenser les mérites professionnels, impossibilité de remettre en cause les composantes de la rémunération même pour les agents de piètre qualité, les disparités indemnitaires à qualification égale figeant complètement les organisations (problème des IFD dans les bureaux), impossibilité d'affecter autoritairement les agents là où les besoins se font sentir (ce qui impose de recourir à des agents peu expérimentés sujets à un turn-over excessif), impossibilité de prononcer un licenciement pour inaptitude professionnelle sans préparation longue et lourde du dossier même dans des situations objectives, renonciation à l'application de la règle du trentième indivisible et contrôles laxistes des autorisations d'absence syndicales notamment...
Enfin, le dossier peut comporter toute fiche « sectorielle », dont l’actualité justifierait la présence ; exemples : indicateurs de performance et de gestion, évolution des relations entre la douane et les entreprises (point sur les groupes de travail du « Forum »), état des relations entre la douane et la police, évolutions institutionnelles et dossier CSI, avancement des grands projets informatiques et refonte de la chaîne statistique...
Copie de ce dossier sera naturellement transmise, en parallèle, au ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Je vous remercie par avance de votre diligence et de l’importance que vous voudrez bien accorder à ce dossier, à partir duquel les ministres apprécieront le caractère sérieux et convaincant des projets sur lesquels nous travaillons aujourd’hui.
Comme le craint la CFDT, la rémunération au mérite semble bien n’être qu’une première étape qui serait suivie de mutations autoritaires et d’une réduction des garanties des personnels dans les procédures de licenciement, par exemple.
Les deux derniers projets visent à limiter les réactions des personnels en restreignant le droit de grève par un retour au trentième indivisible (c’est-à-dire que toute grève inférieure à une journée est décomptée pour une journée sur la paie) et en surveillant les absences syndicales.
La CFDT dénonce une tentative de mise au pas des personnels pour tenter de faire passer en force les projets ministériels nuisibles au service public.
Il vous est désormais loisible de trouver ce qu’est le fond de la politique directionnelle et ministérielle, quand le vernis et les sourires ont été ôtés.
Sur un écrit d’une page environ, un tiers consacré aux difficultés relationnelles internes à la DG, un tiers consacré « aux vilains canards » que sont ses agents, un tout petit passage sur les enjeux économiques et le reste en liaisons…
On voit aisément quelles sont les préoccupations essentielles d’un directeur général des douanes de début de millénaire. Navrant !
En clair, les écrits du DG sont proprement scandaleux, faisant fi de toute humanité, ils se concentrent sur des phénomènes, certes récurrents mais bien accessoires, face aux défis de la modernisation d’une administration moribonde.
Le directeur général des douanes est, en cela, un fidèle serviteur d’un premier ministre qui adopte en tout point le même comportement sous des sourires de façade.
Le danger d’une mutation en profondeur de la gestion des agents de la fonction publique est réel et sournois; il est clair que l’ensemble des personnels sera un jour amené à relever le défi lancé par les gouvernants actuels.
(voir également dépêche n° 15/03 sur le site fédéral en rubrique Quoi de neuf)…