Bien que touchant heureusement peu d'agents la loi d'amnistie qui a suivi l'élection présidentielle de mai dernier ne doit pas être négligée. Nous vous fournissons donc un certain nombre d'éléments basiques qui peuvent aider les agents concernés.
La loi du 6 août 2002 a été publiée au Journal Officiel du 9 août 2002. Ce texte est complété par une circulaire du 6 août 2002 publiée au Journal Officiel du 10 août 2002.
a - La loi ne concerne que :
- les fautes disciplinaires et professionnelles commises avant le 17 mai 2002. La loi ne distingue pas selon la gravité de la faute reprochée. Sont, par conséquent, amnistiés aussi bien les faits pouvant donner lieu à un avertissement que les faits pouvant mener à une révocation (sous réserve des exclusions prévues par la loi) !
- les faits retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par l'administration commis avant le 17 mai 2002.
b - Il faut donc distinguer deux situations :
- lorsque une sanction a déjà été prononcée : elle est amnistiée ce qui signifie qu'il ne peut plus y être fait référence et qu'elle ne peut plus être conservée dans un quelconque dossier. La sanction est réputée n'avoir jamais existé ;
- lorsque aucune procédure n'a été engagée ou lorsque la procédure est toujours en cours (la décision de sanction n'a pas été notifiée) : aucune sanction ne peut être infligée à l'agent public pour ces faits, la procédure ne peut pas être engagée ou ne peut pas être menée à son terme.
A l'inverse, les procédures engagées ou devant être engagées pour insuffisance professionnelle (licenciement) peuvent être poursuivies.
Sont concernés tous les agents publics, c'est-à-dire non seulement les fonctionnaires placés dans une situation légale et réglementaire mais également les agents non titulaires
Les exclusions sont beaucoup plus nombreuses que dans la précédente loi (49 cas d'exclusion en 2002 contre 28 en 1995).Certains motifs d'exclusion figuraient dans la loi de 1995 mais leur rédaction est modifiée :
- les délits de concussion, de prise illégale d'intérêts et de favoritisme, ainsi que de corruption et de trafic d'influence, y compris en matière européenne ou internationale, prévus par les articles 432-10 à 432-14, 433-1, 433-2, 434-9, 435-1 à 435-4 et 441-8 du Code pénal ainsi que les délits de faux prévus par les articles 441-1 à 441-4 et 441-9 du Code pénal ;
- d'autres sont liés à des sujets qui ont fait l'actualité il y a quelques semaines ou quelques mois. Sont ainsi exclus :
- les délits de discrimination prévus par les articles 225-1 à 225-3 et 432-7 du Code pénal, les articles L. 123-1, L. 412-2 et L. 413-2 du Code du travail (distinction opérée entre les personnes physiques ou les membres de personnes morales à raison de leur origine, leur sexe, leur situation de famille, leur état de santé, leur handicap, leurs mœurs, leurs opinions politiques, leurs activités syndicales, leur appartenance ou leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, que cette distinction soit opérée lors du recrutement de l'agent, pendant l'exercice de ses fonctions ou lors de l'éviction de l'agent) ;
- les délits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral prévus par les articles 222-33 et 222-33-2 du Code pénal ;
- les faits ayant donné lieu à une sanction pénale non amnistiée ou pour laquelle une réhabilitation légale ou judiciaire n'est pas intervenue étant précisé que l'amnistie des sanctions pénales a été également restreinte par rapport à la précédente loi de 1995 ;
- les infractions à la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité des travailleurs ;
- les faits fautifs qui constituent des manquements à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs. La difficulté est réelle s'agissant d'une appréciation très subjective, appréciation souveraine des juges du fond. Les manquements à l'honneur concernent aussi bien l'honneur professionnel que privé, au moins pour les agents d'autorité. Les manquements aux bonnes mœurs ne sont pas dans l'immédiat définis par la jurisprudence. On peut néanmoins penser que cette notion pourrait recouvrir les agressions sexuelles ainsi que le harcèlement sexuel.
Ne cherchez pas une définition abstraite d'un manquement à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs. Cette définition n'existe pas. Une telle qualification résulte nécessairement :
- des circonstances;
- du grade et des fonctions de l'agent public (cadre, agent d'autorité) ;
- de l'activité du service.
Il est donc nécessaire d'apprécier chaque cas individuellement.
Les administrations sont obligées de purger les dossiers des agents publics qui ne doivent contenir aucune référence aux sanctions amnistiées.
L'obligation est double :
- les décisions de sanction doivent être retirées des dossiers des agents publics et détruites dans la mesure où, en aucun cas, il ne peut en être conservé une trace. Il n'est donc pas question de "déplacer" une sanction du dossier d'un agent public vers un autre dossier censé être plus discret. La sanction doit disparaître mais une trace des faits ayant conduit à la sanction peut être conservée sans que celle-ci soit bien évidemment mentionnée ;
- l'administration doit vérifier qu'il n'y a aucun document faisant référence à des sanctions amnistiées dans l'ensemble de ses dossiers. Ainsi, si une note de service ou une circulaire fait référence à des faits fautifs et leurs sanctions, le document peut être conservé mais les passages relatifs aux sanctions devront être supprimés).
Il est important de souligner que l'administration ne peut conserver aucune trace de ces sanctions, quand bien même il s'agirait d'un fichier sans rapport avec le dossier de l'agent public.
Tous les supports doivent être " nettoyés " :
- les dossiers papier détenus au sein de l'administration
- les fichiers informatiques ;
- les micro-fiches ;
- les archives de l'administration, etc.
L'amnistie des sanctions n'entraîne :
- ni la réintégration des agents publics d'ores et déjà licenciés ou
révoqués avant l'entrée en vigueur de la loi d'amnistie ;
- ni le rétablissement dans les grades ou échelons dont ils ont été privés
; en d'autres termes, l'amnistie n'entraîne pas la reconstitution de carrière.
A la différence des salariés de droit privé pour lesquels l'inspection du travail veille à ce qu'il ne puisse être fait état des faits amnistiés, aucun dispositif particulier n'est prévu en faveur des agents publics. Ce respect sera donc assuré par les agents eux-mêmes. L'agent s'adressera à l'autorité administrative qui a prononcé la sanction afin de lui faire constater que le bénéfice de l'amnistie est acquis. En cas de décision de rejet, l'agent saisira le tribunal administratif.
Les institutions représentatives du personnel (CAP) n'ont aucun pouvoir de contrôle sur la teneur des dossiers disciplinaires des agents publics. Elles ne peuvent en aucun cas exiger que les dossiers leur soient remis afin de procéder au contrôle de la suppression des sanctions.
L'application de la loi d'amnistie peut donner lieu à des contentieux ne serait-ce que pour l'appréciation d'une faute constitutive d'un manquement à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs. Si cela s'avère nécessaire de saisir une juridiction pour déterminer si le bénéfice de l'amnistie est acquis à l'agent public, l'article 13 de la loi du 6 août 2002 prévoit que les règles de compétence applicables au contentieux de l'amnistie sont celles applicables au contentieux des sanctions. Par conséquent, c'est le tribunal administratif qui est compétent.
L'amnistie n'est pas l'amnésie. Concrètement, s'il faut faire disparaître toutes les sanctions amnistiées des dossiers disciplinaires des agents publics, la preuve de la réalité des faits ayant conduit à la sanction peut être conservée. Au surplus, les faits anciens peuvent être utilisés par la suite pour justifier et éclairer une sanction postérieure fondée sur des faits nouveaux, qu'ils soient identiques ou non.